Il y a 120 ans, Marie Skłodowska-Curie remportait le prix Nobel de physique. Ce fut le premier prix Nobel attribué à une femme, son mari refusant de le recevoir seul et déclarant : « C’est elle qui a eu le courage d’entreprendre la recherche chimique des éléments nouveaux, elle a fait tous les fractionnements nécessaires pour la séparation du radium et déterminé le poids atomique de ce métal, (…). Il me semble que si nous n’étions pas considérés comme solidaires dans le cas actuel, ce serait déclarer en quelque sorte qu’elle a seulement rempli le rôle de préparateur, ce qui serait inexact ». Pour honorer la mémoire de cette grande chimiste, plongeons dans l’histoire des femmes et de la chimie.

Les premières diplômées

En 1905, Rona Robinson (1884-1962) devient la première femme du Royaume-Uni à obtenir un diplôme mention first class (très bien avec félicitations du jury) en chimie. À travers ses recherches portant sur les teintures, elle ouvre la voie de la chimie à de nombreuses autres femmes. Parmi elles, Mary Elliott Hill (1907-1969) devient la première femme afro-américaine à être diplômée d’un master en chimie et développe avec son mari la synthèse de cétènes, molécules précurseurs de plastiques tels que les polyesters. Asima Chatterjee (1917-2006) sera quant à elle la première femme doctorante en Inde pour ses travaux sur la médecine d’origine végétale, qui mèneront entre autres à la synthèse de médicaments luttant contre l’épilepsie.

Les premiers prix Nobel

Marie Skłodowska-Curie (1867-1934) est la première femme à obtenir un prix Nobel de chimie en 1911 pour avoir découvert, isolé et étudié le radium. Elle devient ainsi la première personne à recevoir deux prix Nobel dans des domaines différents. Forte de cette découverte, elle développe la curiethérapie, consistant à implanter temporairement de fines aiguilles contenant du radium dans le corps afin de traiter localement les tumeurs. Pendant la Première Guerre mondiale, elle mettra en place des installations mobiles de radiologie, les « petites curies » qui permettent de sauver de nombreuses vies.

Sa fille Irène Juliot-Curie (1897-1956) suit ses traces deux décennies plus tard en étant la deuxième femme à obtenir un prix Nobel de chimie – en 1935 avec son mari Frédéric Juliot-Curie – pour la découverte de la radioactivité artificielle. Ils furent ainsi les premiers à prouver qu’il est possible de produire artificiellement des éléments radioactifs en laboratoire. Irène prendra en 1946 la direction du laboratoire Curie de l’Institut du radium.

Dorothy Crowfoot Hodgkin (1910-1994) est une chimiste britannique s’illustrant dans la détermination par diffraction des rayons X de la structure tridimensionnelle de molécules complexes. Elle identifie par exemple les structures de la pénicilline, de la vitamine B12 et de l’insuline et devient en 1946 la troisième femme à obtenir un prix Nobel de chimie.

 

Et celles ne l’ayant pas eu…

Rosalind Elsie Franklin (1920-1958) est une chimiste et physicienne britannique utilisant son expertise en cristallographie aux rayons X pour l’étude de l’ADN. Elle découvre ainsi la structure de l’ADN avec Raymond Gosling, mais choisit de quitter King’s College et son nom est écarté de la découverte de la double hélice de l’ADN, le directeur exigeant que ses travaux y demeurent. Elle meurt ainsi avant que ses collègues ne remportent un prix Nobel en s’inspirant de ses travaux.

Rebeca Gerschman (1903-1986) est une scientifique argentine ayant découvert la toxicité de l’oxygène avec le chimiste Daniel Gilbert. Elle est nominée pour le prix Nobel mais meurt peu avant qu’il ne soit attribué.

 

Pionnières dans le domaine médical

L’ouverture de la science aux femmes permet de grandes découvertes dans le domaine médical. Parmi ces pionnières, Margarita Salas (1938-2019) est une biochimiste espagnole ayant inventé un processus d’amplification des traces ADN, permettant ainsi de mieux comprendre le rôle de l’ADN. Alma Levant Hayden (1927-1967) est quant à elle l’une des premières scientifiques afro-américaines à intégrer une agence scientifique nationale. Ses travaux conduisent à la détection de stéroïdes éventuellement présents dans l’urine. Milden Cohn (1913-2009) est une biochimiste américaine ayant utilisé la résonnance magnétique nucléaire (ou RMN) pour étudier les réactions des protéines et enzymes dans le corps humain. Enfin, Ruby Hirose (1904-1960) est une biochimiste et bactériologiste américaine dont les recherches sur les anti-toxines et les sérums ont permis de développer un vaccin contre la poliomyélite, menant à son éradication quasi-totale.

 

Et dans d’autres domaines…

Katsuko Saruhashi (1920-2007) est une géochimiste japonaise, première scientifique à mesurer le taux de dioxyde de carbone et d’isotopes radioactifs présents dans la mer. Frances Arnold (1956-) est quant à elle une ingénieure en biochimie ayant obtenu le prix Nobel de chimie en 2018 pour ses travaux portant sur l’évolution dirigée des enzymes, ces dernières étant utilisées pour synthétiser des substances chimiques comme des carburants renouvelables.

 

Une reconnaissance croissante

Ces dernières années, les femmes s’imposent de plus en plus dans le monde de la chimie, comme le montre la remise du prix Nobel 2020 pour Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, ainsi que du prix Nobel 2022 pour Carolyn R.Bertozzi. Par ailleurs, le nombre de femmes chimistes continue d’augmenter : Chimie Perspectives croit en cette possibilité de mixité et c’est pour cela que nous avons signé une charte de mixité aux cotés de #JamaisSansElles.

 

Bibliographie

https://musee.curie.fr/decouvrir/la-famille-curie/les-prix-nobel-des-curie-et-des-joliot-curie

https://culturesciences.chimie.ens.fr/thematiques/histoire-de-la-chimie/quelques-femmes-dans-l-histoire-de-la-chimie

Biographie | Rosalind Elsie Franklin – Chimiste, biologiste moléculaire, cristallographe | Futura Santé (futura-sciences.com)

https://nobelprize.org